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Crottes de Mouches

On a tous des règlements de comptes à faire en permanence ; avec sa famille, avec des ennemis, avec des amis même, avec sa concierge, son employeur… y compris avec soi-même.

A croire que la vie n’est qu’une suite de règlements de comptes qu’on doit effectuer après chaque scène vécue qui ne s’est pas passée telle qu’on l’avait envisagée. Et de passer en revue la ou les situations dans sa tête, en imaginant ce qu’on aurait du dire ou faire pour que les choses se soient déroulées autrement… L’engueulade avec la copine qui a été la cause de la rupture, la route qu’on a prise sur le conseil de Pierre ou de Paul, et où on a eu un accident. « Si j’avais su, si j’avais fait… ».

Quand on pense qu’il doit se passer la même chose dans la tête des autres, ça fait pas mal de scénarios qui flottent en permanence dans l’éther (je parle de l’élément céleste, plus ou moins désigné par Aristote, pas du liquide qui endormait les femmes en couches ou les ados qui veulent s’éclater la tronche…).

Moi, j’ai un compte à régler avec les mouches. Sales bêtes !

En nettoyant le store vénitien de ma cuisine (posé l’année dernière) je me suis rendu compte qu’il était constellé d’une flopée de petits points noirs irrégulièrement répartis. Vous avez déjà fait ça, vous ? La vache que c’est pénible à nettoyer. Éponge, vinaigre d’alcool ou détergent en vaporisateur, on passe une fois, deux fois, trois fois… En plus c’est fragile, en alu, ça se plie facilement après ça fait une espèce de début de torsion, c’est moche, on a envie de tout jeter.

– Ce sont des cacas de mouche ! » m’a dit ma voisine opportunément venue pour me faire signer une pétition syndicale (immobilière, pas politique). Cette femme estimable n’est pas entomologiste, mais ses compétences en nettoyage forcent mon admiration. Ne m’avait elle pas dans le passé conseillé pour la récupération de ma moquette en partie ruinée par le renversement subit du verre de vin d’un invité imprudent. Depuis je ne le reçois que dans ma cuisine… Avec les mouches, en effet…

Les mouches ! Elles sont non seulement agaçantes mais en plus elles présentent un danger pour notre santé. Elles peuvent propager tout un tas de maladies, telles que le paludisme, la dysenterie, la gastro-entérite, la conjonctivite, la diarrhée, comme si on avait besoin de ça par les temps qui courent. Leurs petites papattes qui leur permettent de marcher la tête en bas sont tellement collantes qu’elles entraînent toutes les saloperies, particules d’excréments ou déchets qu’on retrouve après dans les aliments sur lesquels elles se sont promenées, et que nous, nous mettons dans la bouche.

Et donc, ces gracieux animaux qui se nourrissent en permanence, défèquent environ 300 fois par jour, soit une fois toutes les 5 minutes. Pas étonnant qu’on en trouve des traces un peu partout là où elles se baladent quand elles le font à pied.

– Ça bouffe, faut bien que ça chie ! (dirait ma belle-mère)

Oui mais pourquoi sur mes vitres et mes stores ?

Suis en train de réaliser que j’ai un compte à régler aussi avec un proche voisin des mouches : le moustique… Lui aussi nous casse les pieds, même si j’ai moins d’information sur ses défécations. Par contre, il pique, ça c’est sûr…

Bon, maintenant que j’écris ces lignes, je m’aperçois que j’ai aussi un compte à régler avec un copain qui ne m’a pas rendu le CD prêté le 15 avril dernier – c’était un mardi – ainsi qu’avec une de mes nièces qui a osé prétendre que le Rasteau rouge qu’elle venait de goûter valait bien un Mercurey, rouge aussi. J’ai manqué d’arguments tellement cette annonce m’a laissé pantois. Mais cela me poursuit depuis…

Les gens ne se rendent pas compte des désordres inconscients qu’ils génèrent parfois en toute innocence. Ah il en faut du temps pour nettoyer les traces que les autres font dans votre vie ! Que ce soit des diptères ou des homo sapiens.

Il y a des années « à mouches », parait-il, c’est à dire que pendant la belle saison on va être encore plus harcelé que d’ordinaire. Cela arrive souvent après des hivers doux et courts. Les larves éclosent plus tôt, ça fait donc encore plus de mouches. Cette année on va être gâtés !

En revanche, tiens, il n’y a pas d’années « à casse-couilles ».

Pour eux, c’est tout le temps…