
Porcherie
Le cœur est un organe un peu con.
Je me faisais cette réflexion la nuit dernière, après avoir eu encore une crise de tachycardie qui m’a fait une fois de plus croire que ma dernière heure était arrivée. Vous avez le cœur qui part à 120 à l’heure pendant 2 minutes et pourtant votre dernier jogging date d’il y a 3 jours, et votre dernier corps à corps sexuel il y a 2 semaines, donc en pleine nuit, c’est louche… Problème digestif, parait-il… Ou angoisse nocturne généralisée ? Allons-nous finalement nous prendre des bombes dans la gueule, même à 2000 km de distance ?
Pauvre cœur. A se demander s’il n’a pas été greffé pour avoir un comportement aussi indépendant et peu opportun à la situation que vous vivez, c’est à dire : rien, allongé dans le lit, et censé dormir à poings fermés !
Le cerveau finalement est beaucoup moins vital. D’ailleurs il y a des gens qui survivent des années sur des lits d’hôpitaux alors que leur cerveau est HS. Moi même, je note quotidiennement que pas mal de gens que je dois fréquenter s’en passent très bien… Et donc, dans un état de coma dépassé, ce crétin de cœur qui continue à battre, sans avoir compris que ça ne sert plus à rien. Parfois on se demande à quoi ces stupides organes servent vraiment ?
Et l’oreille ? Parlons-en ! Premier organe d’échange communicatif – si l’on excepte les sourds qui privilégieront la vue avec moins de subtilité, mais comment leur en vouloir ?
« Les femmes jouissent d’abord par l’oreille » (a dit un jour Marguerite Duras). Ah ça expliquerait bien des choses !
« Au commencement était le Verbe, et le Verbe était auprès de Dieu… ». Évangile selon St Jean.
Bon, ça doit quand même dépendre des circonstances ; et de la position…
Invité chez un quarteron d’amis – ils n’étaient pas si nombreux, mais c’est juste pour vous montrer que moi, je connaissais le mot et vous, vous obligera à aller sur Wikipedia – en plein repas alors que j’avais déjà atteint un niveau d’alcoolémie dangereux pour l’entourage verbal, une cacagénaire (*) assise en face épongea tout à coup son corsage en le tapotant exagérément avec sa serviette.
– Ah mince, je fais la cochonne !
Vous pensez si j’ai réagi !
– Ah bon et vous faites quoi de particulier ?
Air interdit de la femme et gloussements des autres (qui connaissent la perfidie verbale de votre serviteur).
– Non, euh, j’ai renversé du truc sur ma chemise, là…
– Ah ben, si vous faites la « sale » cochonne, c’est autre chose !
Hurlements de rire des autres (qui connaissent… voir ci-dessus).
– En même temps, mieux vaut une petite cochonne que pas de cochonne du tout.
– Bon j’ai compris, arrêtez votre humour ! » fit-elle sans trop y croire (car moi, quand je suis lancé…)
– Non, pourquoi ? Mieux vaut une cochonne avec qui on s’amuse qu’une proprette avec qui on s’ennuie ferme. Et quand je dis ferme…
Autour de la table ils hésitaient entre gêne et applaudissement. Il faut dire que je nourris soigneusement cet état de dépendance qu’ont les femmes envers la voix masculine. Il m’arrive d’appeler des copines avec des prétextes les plus futiles, juste pour leur susurrer suavement à l’oreille une nouvelle recette de cuisine, avec un calme et une lenteur qui n’a rien à voir avec la scène décrite plus haut, ce qui les étonne d’autant plus. Il faut savoir entretenir un paradoxe social…
Je ne vais pas faire de prosélytisme – je n’ai pas autant d’ambition, c’est juste pour vous montrer que je connaissais aussi ce mot – mais reconnaissez que mon point de vue est méritoire : quand je pense que le cochon est un des animaux les plus évolués et intelligents, alors qu’on le confine à une destination uniquement nutritive. Et qu’on supporte par ailleurs des animaux veules et stupides comme les chats !
Dois-je en conclure que la femme perçoit la voix masculine comme préambule systématique à une situation érotique plausible, avec ou sans cochonneries ?? Dire cela juste après la Journée de la Femme, vraiment ce serait quand même réducteur ! Ou plus simplement peut-on dire qu’à l’instar d’autres animaux de compagnie, la femme pourra être dressée – non seulement au doigt et à l’œil – mais à l’oreille aussi, justement ? Donc, réhabilitons le statut du cochon ! Et de la cochonne, évidemment…
Comme le groupe Pink Floyd nous l’avait si bien dit en 1977 dans « Animals » : de toute façon nous sommes tous des chiens, des cochons ou des moutons. A vous de choisir ce que vous allez être. Enfin, « choisir », si l’on peut dire… Dans la banlieue de Kiev, en ce moment, je ne sais pas si le choix est facile.
Alors coeur de cochon ? Coeur de chien ? Coeur de mouton ? Si ça me permettait de mieux dormir la nuit prochaine…
« L’homme est une corde tendue entre la bête et le Surhomme, une corde au-dessus d’un abîme… ». Friedrich Nietzsche, Ainsi parlait Zarathoustra
Moi je dis :
« L’homme est une corde à linge, sur laquelle pendent des vêtements douteux… ». Mister PB, Les Pamphlets Cyniques
On a les citations dans le contexte historique que l’on peut…
* cacagénaire : arrivé(e) à l’âge du retour au port des couches