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Sales Bêtes

Une de mes proches amies (je n’ai pas dit TRÈS proche, ne commencez pas) possède un très gros chien.

Nom de nom, c’est plus un chien c’est un vrai cheval ! Un dogue allemand (qu’on appelle aussi danois), tacheté, du genre qui était à la mode dans les années 70-80, car on n’en voit plus des masses dans nos contrées de nos jours.

Pour respecter le principe de la Lettre en fonction de l’année de naissance – dans son cas le A – il avait été baptisé « Astro ». Moi, pour un dogue allemand, j’aurais plutôt choisi « Arbeit » ou « Adolf », histoire de rigoler, mais que voulez-vous, tout le monde n’a pas mon sens de la dérision historique…

L’amie était tombée amoureuse du futur monstre en accompagnant une autre amie chez un éleveur, piège classique. Comment ne pas craquer en voyant le petit chiot qui galopait tout flageolant sur ses pattes graciles avec trois autres frères et sœurs ? L’ennui, c’est que le chiot a maintenant 6 ans, a atteint au garrot un bon mètre et pèse une cinquantaine de kilos. Imaginez adopter Eric Zemmour et se retrouver quelques années plus tard avec Gérard Depardieu… Ceci dit, il est parfait pour garder son lopin de jardin, et combler ses soirées solitaires devant la TV et la cheminée. Mais celà devient moins évident quand il prend au quadrupède des accès de bonne humeur en sautant partout comme le fait un jeune chien quand il est content, avec pour conséquences – si cela se passe à l’intérieur de la maison – un résultat qui rappelle un peu les suites d’hôtels fréquentées par le groupe Led Zeppelin durant leurs tournées dans les années 70. Ce n’est pas sa faute, il ne connaît ni sa force ni sa maladresse…

Les choses deviennent encore plus compliquées quand il faut déplacer le cheval-canin, surtout depuis que sa maîtresse a troqué sa Mitsubishi break, contre une Smart (oui-mais-tu-comprends c’est-vachement-pratique-quand-je-vais-à-Monaco-faire-les-courses !)… Je ne sais pas si vous avez essayé de faire rentrer un dogue allemand – même passé de mode – dans une Smart ; essayez, ça vous fera passer un bon moment.

Donc, devinez à qui on demande, quand il faut transbahuter la bête dans un rayon d’action trop important pour que cela se fasse à papattes ? A Bibi et son 4 x 4. (Bibi, c’est moi…)

Et trois ou quatre fois par an (en incluant la révision chez le véto, car en plus, c’est fragile comme clébard !), Bibi et Toyota (Toyota, c’est ma voiture) sont en charge de l’opération. Oh il a vite assimilé le principe, c’est tout juste s’il ne grimpe pas dans le véhicule à peine ai-je freiné devant la villa. Et dès que je sors, il se dresse de toute sa hauteur -longueur, devrais-je dire – en posant ses pattes sur mon torse pour tenter de me lécher la poire, ce que je ne laisse faire d’ordinaire qu’aux femmes de mauvaise vie que je fréquente encore.

En général, il manifeste sa joie tout au long du parcours en aboyant et en bavant, la tête posée sur la plage arrière. Et rendu à destination, la suite est variable ; s’il s’agit du véto, en arrivant devant l’immeuble, sa mine s’assombrit de façon très visible. Le spécimen a de la mémoire et il faut vraiment le tirer par le collier pour qu’il daigne aller jusqu’au cabinet où il va se faire tripatouiller, dans ce dernier cas sans plaisir manifeste.

Bien au contraire, justement, il y a d’autres moments plus propices à déclencher son plus vif intérêt. Car il s’avère que l’amie ne s’était pas trompée dans le choix de l’animal parmi la fournée disponible : celui-là en grandissant s’est avéré être le plus beau, le plus grand, le plus racé, le plus résistant, le plus tout, quoi ! Tiens, un peu comme moi ! Et il lui a tout naturellement été proposé qu’il devienne reproducteur. Tiens un peu comme moi aussi, mais ça se raréfie…

Ainsi donc, une fois par an en moyenne, je me transforme en entremetteur pour chien en amenant Monsieur faire ses hommages dans un chenil dédié à la chose. C’est d’ailleurs impressionnant de voir ses réactions quand on approche de l’endroit : pas besoin de lui attacher sa laisse, on le laisse sortir de la bagnole et il fonce directement dans l’entrée du chenil. Il sait que normalement il va passer un bon moment ! Je suis étonné qu’il n’ait pas encore poussé le culot jusqu’à sonner pour qu’on lui ouvre.

Et voilà pourquoi Astro m’accueille avec véhémence dès que j’arrive dans la propriété de mon amie. Il a assimilé ma voiture bleue avec le principe d’être amené potentiellement régulièrement une fois par an tirer un coup !

Imaginez un patron qui conduirait occasionnellement ses ouvriers au bordel de la ville voisine en camionnette : la popularité du véhicule ! A peine à l’intérieur, même durant les heures de travail, c’est l’euphorie !

C’est marrant, c’est un peu le sentiment global que j’ai en période électorale : l’homme se comporte parfois comme une bête, au bordel comme dans l’isoloir…

Sauf que, dans le dernier lieu, l’orgasme n’est même pas garanti.